La France à l’heure du Monde- Ludivine Bantigny

Un ouvrage sur l’histoire de la France depuis 1981 , avec un traitement de toutes les facettes , politique, événementielle, mais aussi sociale ( genre de vie, territoires,travail,creuset français), culturelle ( littérature, théatre, cinéma, numérique). Entré lentement dans ce livre il y a quelques mois, j’en ai récemment accéléré la lecture, me rendant compte que j’avais vécu toutes ces années comme adulte et que ce livre me donnait de la perspective sur tous ces faits, me rappelait ce que j’avais loupé. Au final, un sentiment que la France a beaucoup changé depuis 1981. Le livre se lit facilement et cette jeune historienne a une écriture simple et précise.

Albert Camus, tout en équilibre

la vision de Camus, sur les positions tranchées, la disqualification de l’adversaire,etc… Belle lecture philosophique simple et rafraichissante

Article le Monde 25/08 Jean Birnbaum

Le courage de la nuance 1|6 Contre la pensée dogmatique, certaines figures du XXe siècle ont incarné l’audace de l’incertitude. L’auteur de « La Peste » a fait de la modération une éthique indispensable pour concilier indignation et lucidité

Le 26 avril 1955, Albert Camus arrive à Athènes, un peu déprimé par quelques déboires personnels. Deux jours plus tard, après une balade à l’Acropole, il participe à une grande « conférence controverse » organisée par l’Union culturelle gréco-française et consacrée à l’avenir de la civilisation européenne. Devant un public nombreux, qui le presse de définir cette civilisation, l’écrivain, alors âgé de 42 ans, commence par affirmer qu’il en est incapable. « Je voudrais d’abord parler de mon empêchement à dire des choses définitives sur ce sujet », prévient-il.

Il y aurait tant à évoquer, des aspects tellement divers, parfois contradictoires ! Si Camus accepte ensuite d’apporter à ses hôtes une réponse, c’est pour placer ce scrupule au cœur de la dynamique européenne : « La civilisation européenne, observe-t-il, est d’abord une civilisation pluraliste », où la multiplicité vivante des opinions doit rendre impossible la domination d’une vérité unique. Ce qui fait tenir l’Europe debout, ce qui lui confère sa force fragile, ce serait un certain sens de l’équilibre. « Aujourd’hui, on dit d’un homme : “C’est un homme équilibré”, avec une nuance de dédain, constate Camus. En fait, l’équilibre est un effort et un courage de tous les instants. La société qui aura ce courage est la vraie société de l’avenir. »

Relire cette conférence en 2020 procure une curieuse sensation. La prose de Camus sonne parfois un brin désuet, mais sa parole s’impose comme salvatrice. Ceux qui ne se résolvent pas à l’inexorable twitterisation du débat public y trouveront de précieuses ressources pour faire face. « Quel est le mécanisme de la polémique ? Elle consiste à considérer l’adversaire en ennemi, à le simplifier par conséquent et à refuser de le voir. Celui que j’insulte, je ne connais plus la couleur de son regard, ni s’il lui arrive de sourire et de quelle manière. Devenus aux trois quarts aveugles par la grâce de la polémique, nous ne vivons plus parmi des hommes, mais dans un monde de silhouettes », alertait déjà Camus en 1948, et on songe à ce théâtre d’ombres que sont aujourd’hui les réseaux sociaux, où chacun, craignant de rencontrer un contradicteur, préfère traquer cent ennemis. « Nous étouffons parmi les gens qui pensent avoir absolument raison », résume encore l’écrivain.

Le « devoir d’hésiter »

Refusant cette spirale vindicative, Camus a toujours cherché des gens avec qui discuter loyalement. « Rien de tout cela n’est très gai, bien que je n’aie pas perdu l’espoir, note-t-il dans une lettre à l’écrivain Roger Martin du Gard, en 1947, alors qu’il sent monter en France un désir de servitude collective. Mais c’est l’espoir de toute vie parce qu’elle est vie, une obstination plutôt qu’une certitude. Heureusement, il y a quelques hommes dans le monde à qui on peut encore parler. Vous savez bien que vous en êtes. » Ne voyant aucune audace dans la montée aux extrêmes et l’emballement revanchard, Camus plaide pour une franchise respectueuse, qui évite de disqualifier l’adversaire : « Dans tous les cas, je n’insulte pas ceux qui ne sont pas avec moi. C’est ma seule originalité. »

Cette éthique intransigeante de la mesure, Camus l’a empruntée à Athènes, justement, dans la culture grecque qu’il chérit et dont il a retenu une méfiance à l’égard de toute démesure, un souci de la limite : limite posée à la fatuité des esprits qui croient tout savoir, comme à la violence des militants qui se croient tout permis. Puisée dans l’héritage antique, une telle éthique n’a rien d’abstrait, et c’est l’expérience vécue qui lui donne forme et force. A commencer par la pauvreté, que Camus a connue enfant : « Je n’ai pas appris la liberté dans Marx. Il est vrai : je l’ai apprise dans la misère. Mais la plupart d’entre vous ne savent pas ce que ce mot veut dire », lancera-t-il aux intellectuels bourgeois dont l’éloge du peuple cache mal un superbe mépris.

Né en Algérie dans une famille modeste, très tôt orphelin de père, l’auteur de La Peste (Gallimard, 1947) se trouve atteint par la tuberculose alors qu’il n’a que 17 ans. Contraint d’interrompre ses études, le lycéen découvre l’attente à l’hôpital, les corps chancelants, la mort toute proche. De là ses réflexions sur l’absurdité du monde, le silence de Dieu, l’impuissance de la raison. De là, surtout, sa décision de poser le « devoir d’hésiter » comme un impératif catégorique.

L’expérience, telle serait la clé. Mais ce mot, aux yeux de Camus, paraît encore trop présomptueux : « Vanité du mot “expérience”. L’expérience n’est pas expérimentale. On ne la provoque pas. On la subit. Plutôt patience qu’expérience. Nous patientons », note-t-il dans ses carnets, à 22 ans. L’expérience de Camus a beau être subie, sa patience n’en demeurera pas moins active, et ses engagements ancrés dans la vie sensible.

Ainsi, on ne comprend rien à ses prises de position sur la guerre d’Algérie, à son impossible rêve d’une formule « fédérale » qui aurait permis à la fois la fin du système colonial et l’invention d’un nouveau « vivre ensemble » entre Algériens et Français, si on n’a pas en tête le lien si charnel qui a uni ce fils de pieds-noirs aux êtres et aux paysages de son pays.

Des années plus tôt, en 1935, l’enfant du peuple avait adhéré au Parti communiste, s’inscrivant dans la vive espérance créée par le Front populaire. Néanmoins, pour avoir critiqué la façon dont ses camarades traitent les nationalistes algériens, Camus avait rapidement été exclu du Parti comme « agent provocateur trotskiste », conformément à la routine délirante de l’époque. Episode fondateur au cours duquel le jeune Camus, dévoué corps et âme au Parti, formule les deux griefs qu’il relancera plus tard, au fil des années, en direction des intellectuels « progressistes » : d’une part, la prétention à faire entrer la réalité sociale dans un carcan théorique, quitte à « mettre entre la vie et l’homme un volume du Capital » ; d’autre part, le refus d’admettre qu’un adversaire politique peut avoir raison. Dans l’esprit de Camus, les deux griefs ne font qu’un. Manichéisme idéologique et mensonge existentiel sont inséparables, la langue de bois est sécrétée par un cœur en toc.

Comment concilier indignation et lucidité ? Un révolté peut-il donner libre cours à son « goût pour la justice » et en même temps « tenir les yeux ouverts » ? Ces questions, Camus ne cessera plus de les poser aux intellectuels qui se mêlent de politique : au lendemain d’Hiroshima, quand les chars russes envahiront Budapest ou lorsque le FLN voudra faire main basse sur le combat national algérien… Chez les doctrinaires communistes comme chez les zélateurs du mouvement anticolonialiste, Camus décèlera l’attrait de la soumission, le secret désir de se « couper la langue » pour l’offrir à un maître.

Mais jamais cette vigilance critique, pas plus que son attention à la vie ordinaire, ne mènera l’écrivain à un quelconque poujadisme. A ses yeux, l’anti-intellectualisme est une autre façon de céder au fanatisme : « Intellectuel ? Oui. Et ne jamais renier. Intellectuel = celui qui se dédouble. Ça me plaît. (…). “Je méprise l’intelligence” signifie en réalité : “Je ne peux supporter mes doutes.” » Sans jamais viser les clercs en eux-mêmes, Camus a donc pointé leurs trahisons, leur renoncement à toute responsabilité, la bonne conscience qui est la leur quand ils délaissent la nuance argumentée pour l’intimidation outrancière. « La démesure est un confort, toujours, et une carrière, parfois », ironise-t-il.

peser ses mots

Contre les rentiers de la révolution, qui moquent en lui un démocrate mou, « bourgeois naïf » (Jean-Paul Sartre) ou prédicateur d’une « morale de Croix-Rouge » (Francis Jeanson), Camus tient bon. Qui reconnaît ses erreurs n’est pas un tiède mais un homme d’honneur. Qui affronte ses contradictions intimes ne mérite pas le nom de lâche. Il y a un courage des limites, une radicalité de la mesure : « Je n’ai jamais cru au pouvoir de la vérité par elle-même, note Camus, dès 1943, dans sa première « Lettre à un ami allemand ». Mais c’est déjà beaucoup de savoir qu’à énergie égale, la vérité l’emporte sur le mensonge. C’est à ce difficile équilibre que nous sommes parvenus. C’est appuyés sur cette nuance qu’aujourd’hui nous combattons. Je serais tenté de vous dire que nous luttons justement pour des nuances, mais des nuances qui ont l’importance de l’homme même. » Le résistant, qui proclame à la fois la légitimité de la violence et l’indignité de la terreur, précise un an plus tard dans le journal Combat : « Notre monde n’a pas besoin d’âmes tièdes. Il a besoin de cœurs brûlants qui sachent faire à la modération sa juste place. »

Cela implique de peser ses mots. Mais aussi, parfois, de demeurer muet. Quand la sottise infecte les discours, quand les certitudes étouffent toute parole libre, tenir sa langue est le meilleur des gestes barrières. « Le dégoût m’était venu de toutes les formes d’expression publique. J’avais envie de me taire », écrivait le journaliste-résistant après la Libération, au moment où l’« épuration » rendait l’atmosphère irrespirable. Sept décennies plus tard, et alors que prolifèrent à nouveau les épurateurs de tout poil, la voix de Camus résonne pour nous le rappeler : l’éthique de la mesure est une éthique du silence ; dans le brouhaha des évidences, il n’y a pas plus radical que la nuance.

Imaginaires de guerre Algérie- Vietnam en France et aux Etats Unis – Benjamin Stora

L’auteur explore avec sensibilité la représentation de la guerre :en France pour la guerre d’Algérie et aux Etats Unis pour la guerre du Vietnam.A l’origine, l’année 1954, date de la défaite de Dien Bien Phu et du début de la guerre d’Algérie.

Les Etats Unis ont dès le milieu des années 70 fait des films retentissants ( Voyage au bout de l’Enfer et Apocalypse Now) représentant la guerre de manière crue et du point de vue occidental. La filmographie française est beaucoup plus discrète, à cause de la censure mais aussi de la difficulté à en parler, au vu de la grande sensibilité du sujet.Les scénarios des films des années 60 intègrent souvent de jeunes hommes qui vont partir à la guerre. Chaque film français a eu son public ( soit progressiste pour la gauche, soit nostalgique pour les défenseurs de l’Algérie Française). L’étude des photographes côté Vietminh montre des photos très recadrés pour la propagande. Approche originale d’un sujet difficile (contrairement à la guerre de 14, peu en parlaient ), toujours actuel.Pour les amateurs d’histoire.

Les profils émotionnels – Richard Davidson

Ce livre sur les émotions, basé sur des recherches en neuro imagerie, qm’a passionné.L’auteur décrit ses découvertes à l’université de Madison, Wisconsin sur les mécanismes des émotions dans les différentes parties du cerveau, mais aussi ses hésitations et sa carrière.Il identifie 6 dimensions pour caractériser un profil émotionnel , basées sur les interactions entre le cortex préfrontal et les différentes zones profondes du cerveau.Les 6 dimensions gagnent à être connues :la résilience, la persistence des émotions positives, l’intuition sociale ( capacité à repérer les signaux sociaux envoyés par votre entourage),conscience de soi,la sensibilité au contexte social et l’attention ( la sélective et celle avec une conscience ouverte ). Un petit questionnaire permet de s’autoévaluer. La bonne nouvelle est que ses expériences montrent que, même si le patrimoine génétique influe, rien n’est figé ni durant l’enfance ni pendant l’age adulte et qu’on peut travailler ces dimensions.

L’auteur,une référence en neuropsychologie expérimentale, privilégiant ses recherches, a peu écrit, contrairement à d’autres.Ce livre est concret , assez simple à lire , aide à mieux se connaître , donne des pistes à qui veut pour progresser ( méditation et autres) .

Le vin de la vie – Mario Ringoni Stern

Rien à voir avec le vin. C’est un Recueil de courtes chroniques d’un des grands écrivains italiens mort en 2008.Je poursuis la lecture de ses livres en italien, en alternant avec la version française. Les chroniques concernent ses années de guerre, de prisonnier mais aussi de la vie de son village du Nord de l’Italie, Asiago en Vénétie , tout prêt de l’ancienne frontière avec l’Autriche Hongrie, où a eu lieu un Verdun austro-italien. Beaucoup d’humanité et de proximité de la nature.Cela se lit facilement dans une écriture du quotidien, très pratique quand on est encore débutant en italien.Peut être un prélude à des voyages futurs dans cette région de montagne lorsque les temps seront lus favorables.

Alcide de Gasperi, L’homme du Trentin qui a reconstruit l’Italie et fondé l’Europe- Alfredo Canavero

En cours de lecture.Biographie condensée en italien de l’homme d’état italien Alcide de Gaspéri. Tout comme Robert Schumann , mosellan et né dans la Lorraine allemande a été un des pères de l’Europe, De Gaspéri est un homme des frontières , né dans le Trentin, province italophone de l’Empire Austro Hongrois et a été député à Vienne pour représenter sa province. Démocrate chrétien dans la province rattachée et Inquiété sous le fascisme, il est devenu premier ministre à la Libération et a oeuvré pour gouverner un pays très divisé entre communistes, socialistes, démocrates-chrétien et partis de droite.Personnalité de compromis mais très déterminée,il a été à l’origine de la Démocratie Chrétienne qui a ensuite sombré dans les années 70 avec la corruption et les années de plomb. C’est un grand plaisir de décentrer son regard de la France et d’accéder à des livres en italien inaccessibles en français.