La Grande Illusion- Journal secret du Brexit- Michel Barnier

3 ans de négociation avec les Britanniques, au nom des Européens, c’est harassant pour les équipes. Où l’on voit à l’oeuvre la perfidie du gouvernement de nos amis britanniques, au sens du manquement à la parole

Voulant retrouver leur pleine souveraineté sans quitter le marché unique, des négociateurs britanniques cherchant ) ouvrir plusieurs canaux de négociation, ne lâchant rien, reprenant leur parole,cherchant des accords qui peuvent annuler ultérieurement…..Malgré un sujet aride, le déroulé du texte est prenant , entre rationnel, réalisme et émotions. Une vrai de cours de négociation.Manquent à la fin plus de détails sur les accords les plus critiques: la pêche , l’Irlande, l’accès au marché unique, la juridiction compétente, et surtout leur robustesse car les Britanniques chercheront à les détricoter.

En face une équipe européenne, plutôt bien soudée, ayant fait le tour des capitales pour connaitre les lignes rouges de chaque pays. Jusqu’au bout le No deal est toujours possible : le Covid a aidé à arracher un accord le 24 décembre.

Bouleversement – Les nations face aux crises et aux changements- Jared Diamond

Le livre commence avec les crises individuelles, tel un livre de psychologie. Ensuite,il étudie les crises des nations; 7 pays qu’il connait bien réagissent différemment à des situations de crise dans le temps long: par exemple,ouverture du Japon à l’extérieur à l’époque Meiji, attaque de la Finlande par l’URSS en 1939,coup d’état de Pinochet en 1973. Il définit les 12 critères qui facilitent le traitement d’une crise dans une nation: par exemple autoévaluation honnête, acceptation de la responsabilité ( et non pas projection sur les voisins) .Il commence par la Finlande, face à l’Union Soviétique en 1940-1944: une autre vision très éclairante de la finlandisation , dénoncée en Occident. Ensuite, c’est le Japon de l’ère Meiji jusqu’à 1945: tout aussi passionnant, comment le pays des Shogun a absorbé le meilleur de l’Angleterre, l’Allemagne , les Etats-Unis et la France. Cela continue avec le Chili, qui dénonce le comportement inconsistant d’Allende et le comportement condamnable et incompréhensible de Pinochet. A la fin , il se concentre sur les Etats-Unis et leurs problèmes actuels: polarisation de la vie politique, insuffisante participation aux élections, inégalités,manque d’investissements publics, crise écologique.

Jared Diamond est un scientifique américain biologiste et physiologiste qui est devenu géographe.On perçoit une personne qui embrasse large et donne un livre qui nourrit la réflexion, à un moment où les opinions sont divisées et chacun prêche pour ses idées.

A suivre

Covid-19.Anatomie d’une crise sanitaire- Jean-Dominique Michel

Livre de l’anthropologue suisse des pratiques de santé, qui reprend le fameux article de son blog du 18 mars « Covid 19: fin de partie » où il contestait l’intérêt du confinement total pour cette épidémie qu’il ne juge pas pire qu’une épidémie de grippe, tout en disant que le virus est meurtrier pour les personnes à risque ( un exemple d’argumentation sinueuse) . Beaucoup d’informations dans cet ouvrage vite écrit et un peu touffu.

Il rappelle le manque de connaissance face à ce virus:1/ le taux de létalité surestimé ,faute de dépistage suffisant de la population,et connu seulement mi avril ( 0,2%), 2/ l’ignorance des paramètres du virus qui se révèle plus contagieux que les précédents (R0 de 5,6 au lieu de 2, 3/ la durée de contagiosité de 20 à 40 j et non 5 à 7 jours, 4/ distance interpersonnelle de contagion de 4 m et non 2 mètres

A partir de là, des projections de simulations alarmistes ( 500000 morts) ont conduit les gouvernements latins à des confinements sévères, dont il pense que ce n’était pas la solution , même s’il la respecte.

Il liste 11 recommendations pour une gestion efficace de la crise ( dont médecine préventive pour réduire le nombre de personnes à risque,dépistage, traçage, confinement des personnes à risques,…) dont on peut dire que 4 ou 5 au maximum ont été appliquées. Rappelle que les cas graves restent le point noir ( personnes agées et surtout avec maladies chroniques qui auraient nécéssité de la médecine préventive pour rétablir leur système immunitaire ).

Défend la démarche du Pr Raoult sur l’hydroxychloroquine:utilisé à 600mg par jour ( toxique à lus de 2g/j et électroencéphalogramme de suivi,le médicament aurait l’avantage de réduire la durée de portage viral de 12 à 4 jours ), mais s’il reconnait que l’efficacité n’est pas assurée . Dit qu’il a une démarche de médecin, plus que de scientifique: appliquer ce qui marche en situation épidémique .Dénonce les intégristes de la méthodologie, inutiles en situation d’urgence. Se pose la question du mode de communication du Pr Raoult, mais se révèle peu exigeant vis à vis de lui sur la rigueur de ses essais .A été atteint du Covid et l’a résorbé après 3 jours avec l’hydroxychloroquine et l’azithromycine

Pour revenir au confinement, fait une comparaison (très succinte) entre les approches en Corée, Hong Kong, Allemagne et Italie.Le point faible du livre est de ne pas s’interroger si le gouvernement pouvait décider si un non confinement était possible avec les moyens dont disposaient le pays ( lits de réanimation, absence de mise au point de tests pour ce virus , organisation centralisée ou décentralisée du pays , acceptabilité du traçage et du confinement sélectif ? etc…) et surtout une réflexion comment monter un système de santé capable d’encaisser ce genre de choc. Ne rappelle pas que le gouvernement avait la quadrature du cercle à résoudre pour agir : faire peur sans faire peur . Un élément de réponse interessant est la médecine préventive.

Sur sa vidéo You Tube, le personnage utilise un vocabulaire polémique qui fait penser au populisme , en n’étayant pas ses dénonciations.Un côté donneur de leçon.Je me dis que peut être l’épidémie n’était peut être pas si grave, mais elle demandait une excellence dans le plan sanitaire et dans son éxécution que la plupart des pays n’avaient pas. A lire donc avec un esprit critique.

Du mode d’existence des objets techniques – Gilbert Simondon

Un livre de philosophie technique, que je suis arrivé à faire sortir de la bibliothèque du patrimoine de Grenoble. Ce livre est difficile à lire dans certains passages , en particulier dans la 2ème partie. Il est passionnant en sur la maturité des fonctions d’un objet technique , sur des exemples concrets, il est vrai des années 60 . Il réhabilite la culture des objets techniques ( la conception d’un outil et toutes ses fonctions qui ont été crées et améliorées par l’homme au fil des années ), qu’il évoque la relation de l’homme à la machine, soit sous forme d’aliénation , soit sous forme de maitrise.Aujourd’hui , nous imaginons notre culture autour de la musique, la littérature , le théatre ,etc… mais n’imaginons pas la richesse de nos objets quotidiens, que nous méprisons un peu comme objets de consommation.Les observer et comprendre leurs fonctions, qui ont été améliorées par l’homme pour être utiles, peut être un grand motif de satisfaction, plutôt que de les utiliser inconsciemment et avec mépris. C’est aussi l’occasion d’un respect pour ceux qui travaillent manuellement . Si vous n’êtes pas convaincu, prenez un crayon pour concevoir un objet pratique.La Troisième partie est difficile et m’a moins interessé. Un livre, une fois n’est pas coutume, que je ne vous conseille pas, sauf si vous êtes très motivé par la philosophie technique.

Les biais de l’esprit -Comment l’évolution a forgé notre psychologie- J Boutang et M De Lara

« Pourquoi avons nous peur des serpents, des avions? Pourquoi notre esprit est prêt à voir des confirmations partout? etc….Nous avons encore une psychologie d’homme des cavernes et ne sommes pas adaptés à percevoir les risques modernes « . Un rappel utile sur les 2 types de sélection pendant l’évolution , naturelle et sexuelle. Le livre rappelle l’histoire , essentiellement américaine , de cette psychologie évolutionniste, encore peu connue , sur l’étude de nos comportements en lien avec l’évolution humaine. Tout comme la physique a fertilisé la chimie, elle-même ayant fertilisé la biologie, les auteurs en appellent à ce que la psychologie se laisse enrichir par la biologie et l’évolution génétique.Un livre de vulgarisation , intéressant sans plus mais un peu touffu.

La Grande Histoire du système immunitaire – Matt Richtel

« L’auteur nous présente quatre malades victimes de leur système immunitaire, trop faible ou trop puissant. Jason, l’ami d’enfance de l’auteur atteint d’un cancer, Robert séropositif, Linda atteinte de polyarthrite rhumatoïde et Merredith frappée par trois maladies auto-immunes. »

Ensuite il plonge dans l’histoire des découvertes de l’immunologie avec ses lymphocites, ses virus, le thymus, la moelle osseuse,les anticorps,les pyrogènes leucocytaires à l’origine de la fièvre, les interleukines , les cellules T qui alertent, les cellules B qui se servent des anticorps pour se connecter aux antigènes ( vous suivez j’espère….), les maladies autoimmunes, les cytokines qui envoient des messages pour attténuer ou annihiler le système immunitaire. Leurs orages qui envoient des rafales de messages sont dramatiques…. Tout cela est passionnant comme un polar , très complexe et haletant en ces temps de Covid 19. On croit comprendre, mais vite comme chez Chandler , on est perdu .

Chacun des malades fait duo avec son médecin chercheur qui essaie de comprendre pour l’aider au mieux dans sa maladie.

L’auteur finit en disant qu’un bon système immunitaire est préférable , favorisé par du sommeil, peu de stress, une bonne alimentation…L’histoire de l’immunologie continue…A lire.

photo du coronavirus à l’origine de l’épidémie de Covid-19: le virus apparait en bleu autour d’une cellule de laboratoire

Les voraces – Vincent Jauvert

Journaliste de l’Obs, Vincent Jauvert fait rôle de journaliste d’investigation pour dénoncer les cumuls de rémunération des élus , puis des conseillers qui pantouflent et rétropantouflent de plus en plus , de droite ou de gauche et maintenant sous Macron.Certains députés poussent à ce que la mise en disponibilité ( sans rémunération ) soit généralisée par rapport au détachement ( maintien de la rémunération, ou l’interdiction de pantouflage, mais sans succès. Le conseil d’Etat et le conseil Constitutionnel sont particulièrement visés.La commission de Déontologie émet de plus en plus des réserves, mais relevant de l’éxécutif mais elle a peu de moyen. Seule la justice peut intervenir.

Mais après être scandalisé, on fait quoi maintenant??? : c’est la limite du journalisme d’investigation, à partir quelques idées non développées et un dernier chapitre qui montrent les tentatives de quelques députes, les racines du mal ne sont pas explorées.sans analyse en profondeur (ou simplement demande d’analyse). L’appât du gain est une explication facile pour livrer cela en pâture au public et aux populistes.Au moment les relations publics privés font partie du paysage économique et social, on aurait aimé des réflexions approfondies :

  • l’Etat ne sait pas gérer la carrière de ses hauts fonctionnaires?,
    -l’environnement :la mondialisation a conduit les salaires des PDG à des montants stratosphériques compte des bénéfices qu’ils génèrent et ce miel attirent les brillants jeunes hauts- fonctionnaires,
    -pourquoi le pantouflage n’obligerait il pas à démissionner de la fonction publique,
  • un professeur de droit public travaille ces sujets: que dit-il ?).
    -et la morale ?
    Les amendements occasionnels des députés ont leurs limites. Peut être a-t-on là un bon sujet pour un référendum en ce temps de Gilets Jaunes? mais la réponse est connue et l’ostracisme anti fonctionnaire risque de flamber.

Les nouveaux pouvoirs d’agir – V Wisnia Weill

Livre choisi un peu au hasard à la librairie de l’université: intéressant car il initie à la théorie de la capabilité , développé par l’économiste Amartya Sen et MAta Nussbaum, la question est comment développer un monde plus juste, en travaillant sur les 5 grandes sphères d’agir du citoyen libre: le travail, le pouvoir d’achat et les conditions de vie, les relations personnelles ( pouvoir d’aimer et les réciprocités),le pouvoir de connaitre et de se transformer au contact du monde, le pouvoir d’agir en commun ( la politique).Une sorte de pyramide de Maslow moins individualiste.Le dernier chapitre donne des pistes sur la participation citoyenne sur le sujet de la crise climatique . Livre court et dense, qui m’a ouvert l’esprit.

Le siècle des populismes – Pierre Rosanvallon

Son auteur est passé à la librairie du Square le jeudi 13/2.Historien et théoricien de la démocratie, Pierre Rosanvallon fait dans ce livre un travail de clairification sur ce sujet du populisme. Je vous livre d’abord mes notes suite à cette soirée, ensuite d’autres points que j’ai trouvé intéressants.

Le populisme se caractérise par 4 points de doctrine:

-la société se structure en une opposition entre le peuple ( 99%) et les élites (1%)

-la démocratie représentative est une démocratie dominée par les minorités : donc il faut éliminer les autorités qui les défendent ( cour de justice, presse) pour rétablir le pouvoir de la majorité

-il faut recourir majoritairement au référendum pour rétablir la volonté populaire

-un déclin de la volonté politique due à la globalisation ( prone le national-protectionnisme)

Le populisme décrit peut être de gauche ou de droite (aussi bien en Amérique qu’en Europe)

Face à cela, P Rosanvallon rappelle que la souveraineté du peuple se divise en 3:1/celle de la majorité ,2/ la souveraineté de chacun ( =les droits de l’homme),3/ ce qu’il appelle » la souveraineté de personne » ( les institutions, les autorités indépendantes, les statuts de fonctionnaire qui réprésentent l’Etat).

Autre élément : la critique qu’il fait du référendum systématique:

  • le référendum conduit très majoritairement à une décision irréversible ( ex: le Brexit) car le peuple est irresponsable et ne peut être renversé contrairement à un gouvernement
  • le référendum pose des problèmes d’application, sauf en cas de question simple: exemple du Brexit ou sur les étrangers en Suisse ( contradiction avec les lois ou les engagements internationaux
  • surtout, il ne permet pas la délibération. A ce sujet, Rosanvallon rappelle que les représentants des citoyens ne sont pas que des intermédiaires , mais sont là pour permettre cette délibération et conduire une politique dans la durée.

Tous ces points ne signifient pas que Rosanvallon se satisfasse des institutions actuelles.Pour lui la démocratie est un chantier d’expérimentation inabouti, tiraillé entre 3 démocraties types ( la minimale= en gros la démocratie libérale américaine, l’essentialiste = où tout est politique et unique=système communsite, la popularisée= le populisme ( un peuple,et,un chef= l’homme-peuple).Pour progresser, il pousse à une démocratie plus interactive pour mieux réprésenter une société de plus en plus complexe ( plus de classe, chacun veut s’affirmer) avec en partie plus d’initiatives dans le système politique pour rajeunir et rendre plus efficaces les pétitions, les manifestations ou RIC.

En conclusion , un livre éclairant pour ceux qui souhaitent mieux comprendre les tensions de nos systèmes politiques. Une réserve: l’auteur a une tendance à intellectualiser des concepts par des mots complexes (  » la souveraineté de personne, » par exemple)