L’autre moitié du soleil- Ngozi Adichie Chimamanda

Ce roman de la célèbre autrice nigériane qui a écrit Americanah nous plonge dans le Nigeria de ses grands parents, plus précisément dans les années 60 juste après l’indépendance. La vie de 2 soeurs issues de familles riches qui s’éloigne de leurs parents dans un monde de compromission et de corruption.Issues de l’ethnie igbo ( sud est du Nigeria), minoritaire mais dirigeante, l’un vit avec un intellectuel engagé ,l’autre noue une relation discrète avec un britannique établi dans le pays. Un troisième personnage important est Ugbu, entré au service d’un des couples comme boy qui observe ce milieu.La Deuxième partie se déroule pendant la sécession du Biafra , déclenchée suite aux persécutions d’igbo dans le nord du pays. Plongée dans une réalité de cette guerre où il faut survivre, les 2 soeurs vont essayer de résister. Ugbu sera engagé de force dans l’armée biafraise, jusqu’à l’irréparable.

L’écriture est fluide, riche d’émotions, même si il est parfois difficile de suivre les personnages secondaires.J’ai repris ce roman après avoir abandonné le dernier roman publié, L’inventaire des rêves, trop statique dans son déroulement.

Le garçon incassable – Françoise Seyvos

Surprenant roman qui retrace , en parallèle, d’Henri ,enfant spécial , depuis sa naissance difficile et l’histoire de Buster Keaton, enfant de la balle cabriolant et chutant sa blessure. Henri, malgré son handicap et la volonté de son père de le re(dresser) vit sa vie en silence dans son monde, en résilience. A chaque reproche, » je ferai mieux la prochaine fois ». C’est aussi un peu le cas de Buster Keaton,acteur au visage impassible, avec son père, puis ses producteurs qui ne lui permettront pas de survivre au parlant.Mais cette résistance apparente cache une souffrance: Pour Henri, » Un jour, il s’est effondré sans prévenir. il n’a rien dit. Il s’est simplement allongé et a fermé les yeux ». pour Buster Keaton, »Son père le lançait à travers la scène,le frappait, le faisait tomber. Les spectateurs riaient. Lui ne pleurait pas. »

Wallace- Colin Niel

Le dernier roman de Colin Niel, après Darwyne en 2022 qui m’avait séduit. Nous sommes toujours en Guyane, entre la ville et la forêt amazonienne toute proche. Mathurine, assistance sociale à la protection de l’enfance , mère célibataire, très attirée par la nature sauvage vit avec son fils Wallace, passionné de jeux vidéos.Ils affirment leur amour parental et filial réciproques mais tout les sépare.La tension va monter lorsque Tiburce, endeuillé par la mort de sa fille,va révèler une apparition étrange dans la forêt.Cela va déclenché chez Mathurine des souvenirs liés à Darwyne et une attraction vers la forêt.

Le roman prend alors un tour fantastique, tout en restant bien ancré dans le réel. Les épisodes dans la forêt ont capté ma lecture de ce roman que j’ai fini en quelques jours.

Réalité sociale, puissance et mystère de la nature vivante, relations parents-enfants: colin Niel quitte le roman noir et part sur des chemins plus universels.Un auteur méconnu des médias et c’est dommage.

La Farce- Domenico Starnone

Encore un livre de Domenico Starnone, écrivain italien contemporain que je découvre. C’est le récit d’un grand-père qui doit aller garder son petit fils de 4 ans pendant 4 jours dans l’appartement de sa fille, appartement de son enfance. Ce sera difficile car il compte finir des illustrations pour son éditeur.Se succèdent des scènes avec cet enfant espiègle et intelligent , dont celles où il reste enfermé sur le balcon face à son petit-fils. C’est bien écrit et grinçant à souhait.

Le miroir de nos peines- Pierre Lemaitre

C’est la troisième et dernier livre de la trilogie commencée avec Au Revoir là haut.L’action se déroule entre avril et juin 1940 , entre Drôle de guerre au coeur de la ligne Maginot,et débâcle puis exode des parisiens entre Paris et Orléans. Comme souvent chez Pierre Lemaître,cela commence avec une scène spectaculaire. Pourquoi Louise court-elle nue dans Paris? . Dans cette exode, plusieurs personnages très colorés se débattent au coeur des évènements: deux soldats avec Raoul le débrouillard et Gabriel le sérieux ,Fernand et Alice, Désiré, toujours inspiré dans les rôles d’imposteurs qu’il soit avocat, au ministère de l’information ou prêtre. de manière surprenante, la fin finit bien. C’est peut être le livre le plus faible de la trilogie mais cela se lit très bien.

Rosa Candida – Audur Ava Olafsdottir

Un roman islandais qui met en scène un jeune homme adulte qui devient père , l’espace d’une nuit et quitte l’Islande pour exercer ses talents de jardinier dans un monastère d’un pays…que l’on soupçonne être l’Italie. Il a une relation proche avec son vieux père qui l’appelle régulièrement. Mais cette tranquillité sera perturbée par l’arrivée de la maman qui souhaite lui confier sa petite fille pendant un mois pour finaliser son mastère.S’en suivra l’expérience de la paternité très concrète et aussi de l’expérience de ce qu’est un couple . C’est un roman nordique, donc c’est surprenant au début , très calme , reposant puis prenant.

La douceur de l’eau – Nathan Harris

Ce roman nous plonge dans un Etat du Sud américain, juste à la fin de la guerre de Sécession.2 esclaves affranchis, frères ont quitté leur plantation et se sont réfugiés dans une forêt voisine.Découverts par le planteur voisin perdu dans la forêt , Georges et sa femme Isabelle, deux personnages profondément bons proposeront de les héberger contre du travail rémunéré .Mais la société de la petite ville voisine, raciste n’accepte pas cette situation et il y aura des drames.Même la présence de l’armée nordiste ne pourra rendre justice de ces drames.

Tout au long du livre, l’auteur nous entraine dans l’errance de ces personnages, survivants, et la difficulté à trouver leur voie.En contrepoint, le livre évoque l’histoire de ce vieux couple de fermiers blancs, qui communiquent et peu et de leur fils revenu survivant de la guerre de Sécession .Premier livre de l’auteur, la psychologie et les pensées des personnages sont développées dans une écriture claire et dans un monde rural à la fois étriqué et entouré de nature.De nombreux autres thèmes sont éffleurés par l’auteur donnant à ce livre de la richesse et de la densité et nous donne le loisir d’imagination. J’ai beaucoup aimé donc.

Le Train des Enfants- Viola Ardone

Amerigo Speranza , jeune gamin napolitain de 7 ans, issue d’une famille pauvre, prend le train des enfants pour gagner une famille du nord de l’Italie pour une année. Il fait partie d’une opération conduite par le parti communiste en 1946 pour arracher à la misère des centaines d’enfants. Le roman est écrit à hauteur d’enfant, avec tout ce que peut ressentir un enfant de cette séparation et de la découverte d’un monde nouveau , plutôt bienveillant.Le retour vers sa mère est très difficile et on mesure vers quelle violence peut conduire l’extrême pauvreté. 50 ans après, le narrateur revient revisiter ses lieux d’enfance, c’est la partie du roman qui mra moins intéressé. Un livre qui se lit avec intérêt , mais il manque un peu de richesse dans les thèmes traités ou non traités pour en faire un grand livre.

Le mage du Kremlin – Giuliano Empoli

Un roman à partir de faits réels contés par le spin doctor de Poutine,Vadim Baranov dans le roman: cela commence par la fin de règne de Boris Eltsine, un Moscou qui s’occidentalise à grande vitesse, les oligarques qui s’enrichissent..

Un paragraphe évoque l’époque« Vous pouviez sortir de la maison un après-midi pour aller acheter des cigarettes, rencontrer par hasard un ami surexcité pour je ne sais quelle raison et vous réveiller deux jours plus tard, dans un chalet à Courchevel, à moitié nu, entouré de beautés endormies, sans avoir la moindre idée de comment vous étiez arrivé là. Ou bien, vous vous rendiez à une fête privée dans un club de strip-tease, vous commenciez à parler avec un inconnu, gonflé de vodka jusqu’aux oreilles, et le lendemain vous vous retrouviez propulsé à la tête d’une campagne de communication de plusieurs millions de roubles. »

Un oligarque pousse Poutine, obscur fonctionnaire, vers le poste de premier ministre: on connait la suite, faite d’emprisonnements de ses opposants, chaque enfermement faisant monter sa popularité, son obsession de la grande Russie et de sa décadence, le sentiment de mépris des Occidentaux ( le fameux fou rire de Clinton sur le dos d’Eltsine). Cet oligarque déchu finira sur la Côte d’Azur… A travers son conseiller , on voyage au coeur du pouvoir tout au long de l’histoire récente de la Russie: la guerre en Tchetchénie, les Jeux de Sotchie, la début de la guerre d’Ukraine, les attentats de Moscou.Je finis par un extrait sur le nouveau Tsar

« Comme Dieu, le Tsar peut être objet d’enthousiasme, mais sans s’enthousiasmer lui-même, sa nature est nécessairement indifférente. Son visage a déjà acquis la pâleur marmoréenne de l’immortalité. A ce niveau, nous sommes bien au-delà de l’aspiration aux belles funérailles dont je vous parlais. L’idéal du Tsar serait plutôt un cimetière dans lequel il se découpe seul, vertical, unique survivant de tous ses ennemis et même de ses amis, de ses parents et de ses enfants. de tous les êtres vivants.(…) le seul trône qui lui apportera la paix est la mort. »